L’œuf rouge est le symbole de la fête de Pâques. Traditionnellement, les œufs sont peints en une seule couleur, le Jeudi Saint, trois jours avant Pâques. En dehors de la couleur rouge, les oeufs peuvent être peints en jaune, vert ou bleu. En Roumanie il y a des régions, telle la Bucovine, dans le nord, Sibiu et Harghita, au centre du pays, Vâlcea et Banat, où la peinture des oeufs est devenue un véritable art. Ce n’est pas facile du tout de tracer des lignes sur une surface courbée, de créer toute sorte de modèles utilisant des techniques de plus en plus sophistiquées.
Comment les maîtres artisans réussissent - ils à transformer un oeuf ordinaire, à l’aide des couleurs, en une véritable œuvre d’art? Pour répondre à cette question, nous avons invité au micro Monsieur Ioan Zinici, originaire de la localité de Izvoarele Sucevei, dans le nord de la Roumanie.
un artiste nous dévoile les secrets de la technique de la décoration des œufs: “ Moi, je peins d’habitude des œufs de cane, d’oie ou d’autruche. Après en avoir enlevé le contenu et lavé les coques, je les fais sécher. C’est à peine maintenant que commence le travail proprement - dit. On a besoin tout d’abord de cire, pour en enduire l’œuf, et puis du modèle de votre choix. Il y a plein de modèles traditionnels, avec des figures géométriques, pareilles à ceux que l’on peut voir sur les tapis tissés à la main ou au métier à tisser par les vieilles femmes à la campagne. Si les modèles varient d’une région à l’autre, ou même d’un village à l’autre, les techniques sont partout pareilles. La variante la plus compliquée est celle des couleurs superposées sur le dessin en cire. Autant de couleurs, autant d’étapes de travail. On commence par la couleur la plus claire. Par exemple, l’endroit qui sera finalement jaune est d’abord recouvert d’une couche de cire, puis l’œuf est plongé dans le jaune, où il reste une quarantaine de minutes. Cette même technique sera répétée pour obtenir l’orange, le rouge et ainsi de suite jusqu’au noir. A la fin, on place les œufs près d’une source de chaleur. La cire fondra et sera enlevée à l’aide d’un torchon tiède de sorte qu’il n’en reste plus que le dessin coloré. Mais ce n’est pas encore fini. La coque de l’œuf est enduite d’huile alimentaire, puis vernie. Moi personnellement, je les vernis par deux fois. Les deux couches de vernis servent à durcir la coque, la deuxième la protège mieux et lui confère de l’éclat. “
Les œufs sont décorés de dessins figurant des feuilles de chêne, de hêtre, de persil, par exemple ou encore des fleurs, des outils. Bien que rares, les motifs animaliers ne manquent pas non plus. Pour les feuilles, on les prend telles quelles, on les applique, bien serrées contre la coque à l’aide d’un filet, après quoi on trempe l’œuf dans le liquide coloré. Le motif le plus répandu est celui de la croix. Une étude réalisée à l’entre - deux - guerres relève la présence en Bucovine de pas moins de 290 symboles. N’oublions pas cependant le rôle de la chromatique pour ce qui deviendra un véritable objet d’art.L`artiste nous dit “Les couleurs sont assez mélangées. Moi, j’utilise aussi des colorants naturels, mais seulement sur commande et pour les collectionneurs, car cela suppose un travail de fourmi. Et puis ces colorants naturels, il faut les préparer soi-même. Il faut par exemple ramasser des racines ou de feuilles - et cela à différentes périodes de l’année - puis les faire sécher et bouillir. Nos grand - mères qui n’utilisaient que cette technique n’arrivaient pas à peindre plus de 50 œufs et ce pendant toute la période de jeûne avant Pâques. La couleur prédominante était le rouge. Dans notre commune on emploie aussi le jaune, le vert et le bleu. “
Pour revenir aux colorants naturels, précisons que jadis on les obtenait aussi de décoctions d’écale de noix ou de graines de tournesol, de tisanes comme le tilleul ou l’origan. Les nuances les plus jolies de jaune par exemple, on les préparait à base de décoction de pelure d’oignon ou de pomme, tandis que le meilleur noir, on l’obtenait d’une décoction d’écorce d’aulne. L’alun ou le cuivre sulfaté servaient à fixer ces couleurs sur la coque.
Et pour finir, sachez qu’une autre technique d’ornementation des œufs consiste à tracer les contours des dessins à l’aide d’un instrument spécial et plutôt rare. Il s’agit d’un bâtonnet en bois, dont la pointe métallique est munie d’un poil de cochon. C’est ce dernier qui permet le déplacement de l’instrument sur la coque. Enfin, on peut même décorer les œufs de petites perles en verre, fixées dans la couche de cire qui recouvre la coque.
|